Le Maçon et le Président

Président:
Bonjour, mon cher ami.
Je suis venu vous rendre visite sur votre chantier pour vous féliciter de votre travail 
remarquable.

Ouvrier:
Bonjour,monsieur le président.C'est un honneur de vous recevoir ici.
Mais je ne comprends pas pourquoi vous me félicitez.Je n'ai rien fait de spécial.

Président:
Comment ça,rien fait de spécial? Vous avez construit ce magnifique mur avec vos propres 
mains.
C'est une œuvre d'art!

Ouvrier:
Ce mur? Mais c'est un mur tout simple.Il n'a rien d'artistique.Il sert juste à séparer 
deux terrains.

Président:
Ne soyez pas modeste.Ce mur est une métaphore de la vie.Il symbolise la frontière entre 
le réel et l'imaginaire,entre le possible et l'impossible,entre le bien et le mal.

Ouvrier: 
Ah bon? Moi je pensais qu'il symbolisait juste la limite de propriété.

Président:
Non,non,non.Vous êtes trop humble.Vous avez du talent,du génie même. 
Vous êtes un artiste incompris.

Ouvrier:
Merci,mais je ne suis pas un artiste. e suis un ouvrier. 
Je fais mon travail comme tout le monde.

Président:
Mais si,vous êtes un artiste! Et je vais vous le prouver. 
Je vais faire de ce mur une attraction touristique nationale.
Je vais y apposer une plaque avec votre nom et votre biographie. 
Je vais organiser des visites guidées et des conférences sur votre œuvre. 
Je vais inviter les plus grands critiques d'art à venir admirer votre chef-d'œuvre.

Ouvrier:
Mais c'est absurde! Ce mur n'a aucun intérêt!

Président:
Au contraire! C'est le plus beau mur que j'aie jamais vu! Il est unique,original,audacieux!

Ouvrier:
Mais il est banal,ordinaire,ennuyeux!

Président:
Non! Il est sublime,extraordinaire,fascinant!

Ouvrier:
Arrêtez! Vous me faites peur!

Président:
Ne craignez rien! Je suis votre ami! Je suis votre protecteur! Je suis votre admirateur!

Ouvrier:
Laissez-moi tranquille! Laissez-moi travailler!

Président:
Jamais! Vous êtes ma muse! Vous êtes mon inspiration! Vous êtes mon idole!

Ouvrier:
Lâchez-moi! Vous êtes fou!

Président:
Non, je suis amoureux! Amoureux de votre art! Amoureux de votre mur!

Ouvrier:
Mais c'est n'importe quoi! Ce mur n'est pas de l'art! C'est du béton!

Président:
Du béton? Non,c'est de l'or! De l'or pur! De l'or en barre!

Ouvrier:
Arrêtez de délirer! Vous avez besoin d'un médecin!

Président:
Non,j'ai besoin de vous! De vous et de votre mur! Je veux vous épouser!

Ouvrier:
Quoi? Vous voulez m'épouser?

Président:
Oui,je vous le demande en mariage.Acceptez-vous de devenir ma femme?

Ouvrier:
Mais je suis un homme!

Président:
Et alors? Quelle importance? L'amour n'a pas de sexe.L'amour n'a pas de frontières. 
L'amour n'a pas de mur.

Ouvrier:
Mais si,il y a un mur.Le mur que vous voulez transformer en attraction touristique. 
Le mur qui nous sépare.

Président:
Alors abattons ce mur! Abattons tous les murs qui nous empêchent d'être heureux!

Ouvrier:
Mais vous êtes fou! Vous êtes dangereux! Vous êtes le président!

Président:
Et vous êtes mon âme sœur.Mon destin.Mon miracle.

Président:
Alors,dites-moi oui.Dites-moi que vous m'aimez.Dites-moi que vous voulez m'épouser.

Ouvrier:
Mais c'est impossible! Vous êtes le président! Vous avez des responsabilités! 
Vous avez des devoirs!

Président:
Quels devoirs? Quelles responsabilités? Je n'ai qu'un seul devoir:vous rendre heureux.
Je n'ai qu'une seule responsabilité:vous aimer.

Ouvrier:
Mais vous ne pouvez pas abandonner votre poste! 
Vous ne pouvez pas laisser le pays sans gouvernement!

Président:
Mais si,je peux.Je peux tout faire pour vous.Je peux tout sacrifier pour vous.
Je peux même renoncer à ma réforme des retraites.

Ouvrier:
Quoi? Votre réforme des retraites? Celle qui veut prolonger l'âge de départ à 64 ans?

Président:
Oui,celle-là même.Je sais que vous y êtes opposé.Je sais que vous la détestez. 
Alors je vais l'annuler.
Pour vous faire plaisir. 
Pour vous prouver mon amour.

Ouvrier:
Mais c'est absurde! 
Vous ne pouvez pas annuler une réforme aussi importante sur un coup de tête! 
Vous ne pouvez pas changer la loi par amour!

Président:
Mais si, je peux.Je suis le président.J'ai tous les pouvoirs.Je fais ce que je veux.

Ouvrier:
Mais c'est dangereux! Vous allez provoquer une crise sociale! 
Vous allez ruiner l'équilibre des comptes publics!

Président:
Peu importe.Rien ne compte plus que vous.Rien ne compte plus que notre bonheur.

Ouvrier:
Mais vous êtes fou! Vous êtes irresponsable! Vous êtes dangereux!

Président:
Non,je suis fou de vous! Je suis responsable de vous! Je suis dangereux pour vous!

Ouvrier:
Arrêtez! Vous me faites peur! Vous me faites horreur!

Président:
Non,je vous fais rire! Je vous fais rêver! Je vous fais vibrer!

Ouvrier:
Non,non,non! Vous me faites pleurer! 
Vous me faites cauchemarder! 
Vous me faites souffrir!

Président:
Mais pourquoi? 
Pourquoi me rejetez-vous? 
Pourquoi me haïssez-vous? 
Pourquoi me blessez-vous?

Ouvrier:
Parce que vous êtes le président.Parce que vous êtes le symbole du pouvoir.
Parce que vous êtes l'ennemi du peuple.

Président:
Mais non,je ne suis pas le président. 
Je ne suis pas le symbole du pouvoir.Je ne suis pas l'ennemi du peuple.
Je suis votre amant.Je suis votre complice.Je suis votre ami.

Ouvrier:
Mais si,vous êtes le président.Et un mauvais président. 
Un président qui veut prolonger la retraite à 64 ans. 
Un président qui veut nous faire travailler plus pour gagner moins.

Président:
Mais je viens de vous dire que j'annule cette réforme. 
Que je renonce à cette mesure.Que je cède à cette revendication.

Ouvrier:
Et moi je viens de vous dire que c'est trop tard.Que c'est trop peu. 
Que c'est trop facile.

Président:
Alors que voulez-vous? Que demandez-vous? Que proposez-vous?

Ouvrier:
Je veux que vous démissionniez.Que vous quittiez le pouvoir.Que vous disparaissiez.

Président:
Quoi? Vous voulez que je démissionne? Que je quitte le pouvoir? Que je disparaisse?

Ouvrier:
Oui,c'est ce que je veux.C'est ce que nous voulons tous.C'est ce que le peuple veut.

Président:
Mais comment pouvez-vous dire ça? 
Comment pouvez-vous penser ça? 
Comment pouvez-vous vouloir ça?

Ouvrier:
Parce que je ne vous aime pas.
Parce que je ne vous respecte pas.
Parce que je ne vous supporte pas.