Limaces et Macramé

La nuit,je descendais dans ma voiture,je comptais les bulles qui s’étaient formées sur mon pare-brise.J’écoutais la radio et j’entendais les auditeurs qui répondaient aux devinettes et gagnaient des prix.Un restaurant,un parfum:souvent du haut de gamme.J’écoutais,je comptais les bulles mais je n’arrivais à répondre à rien,je pensais faire un procès à la marque de voiture.

Plus jeune,j’étais bon aux devinettes.C’étaient d’autres émissions et je téléphonais.Je connaissais toutes les réponses,mais tout le temps la ligne était occupée.Je ne comprenais pas pourquoi je savais répondre autrefois,et maintenant je séchais lamentablement.Je ne savais pas que dans ma tête des limaces buvaient mon cerveau avec une paille.Personne ne le savait.J’avais attrapé ça au travail en buvant énormément de café dans mon thermos de la marque « Thermocafé ».Des milliers de personnes avaient bû dans ces thermos,et ils avaient sans doute des limaces.Mais personne ne le remarquait,c’étaient des choses que personne ne détecte:pas de douleurs,aucun symptôme,seulement des limaces qui vous boivent le cerveau.

Il y a beaucoup de phénomènes semblables,de maladies que personne ne repère.Une amie notamment souffre de « filets de macramé »,c’est plus répandu et plus contagieux que les limaces.On les attrapes par des prospectus,ils s’installent dans votre âme et y font des nattes et encore des nattes.Partout ou autrefois se trouvait une émotion,ils la détachent et mettent une boule à la place.L’âme de mon amie ressemblait à la tête de Bob Marley,et elle ne ressentait plus rien,vraiment rien,et elle ne pleurait que sur ce qu’elle pouvait voir à la télévision.Personne n’essayait d’y remédier.Trop occupés à fixer son calcium qui n’arrêtait pas d’essayer de s’échapper ,les médecins n’avaient pas le temps pour ces bêtises,d’autant qu’elle ne bleuissait pas,n’avait pas de grosseurs aux seins,elle avait simplement cessé de pleurer,c’est tout.D’ailleurs son mari trouvait que c’était bien de ne pleurer que devant la télévision,parce que rien ne se passait pour de vrai et rien ne faisait mal pour de vrai.

Ce n’était pas comme les bulles sur la vitre,avec laquelle on roule jusqu’au jour où Bing ! Toute la vitre vous explose à la gueule.J’en avais compté cinq cent vingt huit et il y en avait de nouvelles tous les jours.La musique à la radio était si forte qu’on n’entendait pas les rôts des limaces.Lorsque les bulles arriveront au nombre de six cent,je me suis dit,je déposerait plainte.