Histoires personnelles (V)

Le jour de notre naissance,nos mères savaient que nous serions seuls et bizarres et que nous chercherions un bonheur insoutenable qui perpétuerait une vie de mélancolie.Alors elles ont choisi d'ignorer la foi jetée sur nous,et pour cela,elles nous ont ignorés.

Nous gardions nos doigts tremblants et saignants dans les poches de nos vestes pour que personne ne sache que nous pensions à la mort,cette frayeur violette qui restait simplement sur la plage après le coucher du soleil.Je ne sais pas pour la vôtre,mais ma mère n'aimait pas coudre des poches déchirées,alors que toutes les autres mères fumaient des cigarettes et discutaient de rideaux.

Il fut un temps où nous portions ces jeans et ces chemises parfaites et avons décidé d'être des enfants parfaits.J'ai tout d’abord déboutonné le bouton du haut de ma chemise et je me suis sentie trop détendue pour une enfant parfaite.J'ai pensé qu'il est possible d'être bonne,grande et détendue,mais ensuite les pointes de mes cheveux ont commencé à friser.

Je suis devenue nerveuse,j'ai mangé des tomates et ses graines minuscules et louches n'arrêtaient pas de se coller sur ma chemise.De belles filles aux cheveux longs m'ont appelée pour jouer.Je suis restée près du miroir,regardant mon visage laid et pleurant,les larmes qui font briller les taches de rousseur sous mes yeux et autour de mon nez,et les dents de devant qui résumaient le moi indésirable de dix ans qui te rendrait fou dans une dizaine d'années.Vous n'avez pas participé à ce défilé de mode imaginaire.Vous êtes tombé au moment où vous êtes sorti de chez vous et,sale et en colère,comme vous l'étiez la plupart du temps,vous avez abandonné.

Je suis née dans une la lignée des paysans et des bienfaiteurs,qui étaient sceptiques à l'égard de tout ce qui est mystique et métaphysique,sauf Dieu.D'ailleurs,pour eux,Dieu n'était pas métaphysique.Il était une certitude,là dans ce coin vide face au reste du monde.Vous êtes né de marchands,de quelques professeurs,somme toute,de gens qui se tiennent trop près et trop longtemps à côté de la fenêtre.Pour autant,je suis une garce naïve et audacieuse,et tu es un fils de pute sensible et blessant.        

Si je vis assez vieille,j'avouerai toutes mes trahisons.Un par un,les amis que je voulais et que je n'ai jamais eus et par conséquent que je veux toujours.Les fois où j'ai étouffé Tais-toi ! Je te déteste ! Fermez-la ! pour que les dîners puissent se terminer dans l’amour.Mensonges,plans diaboliques,ridicule,mépris et désobéissance,qualifiaient Ma Personnalité.Si tu vivais vieux et idiot,tu ferais de moi ton amie.

Tu me parlerais comme si nous venions de nous rencontrer,et je ne saurais rien du cachot où tu gardes tes souvenirs de personnes qui t'ont rendu ténébreux.Vous parlerez plus affectueusement de vos rêves non réalisés que des enfants que vous avez portés.Une vieille créature honnête,probablement sourde,qui n'arrive toujours pas à se faire accepter.

Oui,nous aurions pu faire mieux tous les deux.

Si tu avais pris un moine pour amant,tu aurais eu besoin d'en montrer plus.Je l'ai écrit plusieurs fois dans des SMS que je ne vous ai jamais envoyés.Tu n’as jamais écrit ni effacé quoi que ce soit sur moi.Les enfants qui commencent à lire tôt dans leur vie,(a) deviennent des pervers déviants,(b) plus solitaires que les autres,(c) des gens inconscients de leur cruauté.En pensant à vous,j'ai coché tout ce qui précède.       

Quand il pleut,je pense au vide sidéral en chacun.Les gens le supporteront jusqu'à l'après-midi et le rempliront de nourriture et de sexe la nuit.Quand il pleut,vous êtes vous-même et vous parcourez les hôtels renommés,les chambres d'hôtes en bord de mer.   

Pluie ou pas,j'espère que vous serez d'accord avec moi que nous sommes tous des statues dans le parc à la tombée de la nuit,seulement remarquées la fois où nous avons été inaugurées dans l'obscurité,ignorées de tous sauf des chiens qui s'arrêtent pour pisser sur nos pieds nus en bronze.
Ca me dégoûte quand je vois des vieux manger des bananes.Je déteste parler de ma famille.J'aimais les deux.Je t'aimais bien aussi,mais ton drap a commencé à sentir les livres de bibliothèque,utilisés,abusés,lus en fumant.J'aimerais dormir là pour toujours,jusqu'à ce que vous vieillissiez et que vous commenciez à manger des bananes.Cela vous dégoûte d'avoir été circoncis et vous détestez que l’image de tous vos échecs ne soit que cela:un centimètre ou deux de moins de votre majestueuse bite.

Quand j'avais environ cinq ans,mes oreilles ont été percées dans le village de mes parents,quelque part entre les maisons de mes grands-oncles et le grenier à foin.Ils m'ont donné un miroir et un rouge à lèvres rouge et m'ont dit Bientôt tu ressembleras à Betty Boop.Des heures après,mes oreilles étaient encore rouges et chaudes.Je me sentais étrange et prise.Quand tu avais environ six ans,qu'un jour tu étais si heureux et que tu réussissais en tout,ta grand-mère a dit Viens ! Je veux te dire quelque chose.Alors qu'elle vous le chuchotait,une bouffée de chaleur,d'inconfort et de déception vous a lavé les joues.

C'est à cause de choses comme celles-ci que nous nous faisons entièrement confiance et que nous nous pardonnons.